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Mis sur scène par Henri jules Julien avec Sophie Agnel et Victor Ponomarev

Charles Reznikoff et l'Objectivisme

 

Né le 31 août 1894 à Brooklyn, mort à New York le 22 juillet 1976, Charles Reznikoff est une figure majeure de l’Objectivisme poétique, aux côtés de Louis Zukofsky, George Oppen et Carl Rakosi. Ces poètes, réunis très informellement dans les années 30 autour de préoccupations communes, prônèrent une poésie non lyrique, en prise directe avec le réel - en l’occurrence la mégapole américaine -, rétive à la métaphore.

 

« La poésie présente l'objet afin de susciter la sensation. Elle doit être très précise sur l'objet et réticente sur l'émotion. » L’injonction, revendiquée par Reznikoff, pourrait servir de définition à l’Objectivisme poétique, dont  le point de départ, l'axiome, serait le conseil, la formule de William Carlos Williams: « No ideas, but in things » (pas d'idées, sinon dans/par les choses)

 

Reznikoff précisait : « Je suppose qu’on peut qualifier du terme « objectiviste » un écrivain qui n’écrit pas directement sur ses sentiments, mais sur ce qu’il voit et ce qu’il entend, qui se restreint presque au témoignage devant une cours d’assisse, qui exprime ses sentiments indirectement par le choix de son sujet, et, s’il écrit en vers, par sa musique. » Et cela, comment ? «Nommer, nommer, toujours nommer.»

 

Né à Brooklyn, dans le quartier juif de Brownsville, de parents russes ayant récemment fuit les pogroms consécutifs à l’assassinat du tsar Alexandre II, avocat de formation n’ayant quasiment pas exercé, Reznikoff n’a presque jamais quitté New-York qu’il arpenta quotidiennement toute sa vie (il était capable de marcher sur une centaine de blocs et les anecdotes sur ses rencontres, ses mésaventures et ses amitiés sur le trottoir new-yorkais sont innombrables). Il gagnera sa vie dans toute une série d’occupations subalternes, dont quelques années factotum d’un ami producteur à Hollywood (son unique infidélité à New-York), vendeur dans le commerce de chapeaux de ses parents, ainsi que rédacteur de l’encyclopédie légiste Corpus Jury pour laquelle il compile des résumés de jurisprudence.

 

Si la poésie et le vers (libre) seront le centre de sa vie d’écrivain depuis un premier recueil en 1918, Rythms, Reznikoff écriera des drames en vers, des mémoires, des livres d’histoire familiale, des monographies de migrants et de quartiers juifs, une histoire des juifs dans l’Angleterre médiévale, des poèmes narratifs basés sur des sources de l’Ancien Testament, des traductions et des romans.

 

Son œuvre poétique, encore peu traduite en français, a été recueillie dès 1976 chez Black Sparrow Press (The Complete Poems) et rééditée plusieurs fois depuis. Ses livres en prose, dont By the Waters of Manhattan très prisé par William Carlos Williams, sont régulièrement réédités.

 

En France, Jacques Roubaud a beaucoup œuvré au passage de cet immense poète. Dès 1978 en initiant, coordonnant et traduisant en grande partie un numéro de la revue Europe consacré à l’Objectivisme. En 1981 en traduisant chez Hachette (épuisé) le premier des quatre livres de Testimony. En 1996, dans le second volume de la Revue de littérature générale, en publiant une magistrale introduction à l’œuvre et de nouveaux poèmes de Testimony dont une traduction intégrale, par Marc Cholodenko, est annoncée chez POL depuis des années.

 

A noter, trouvé dans ses papiers après sa mort, publié en plaquette par Black Sparrow en 1977 et depuis annexé aux Complete Poems, un extraordinaire texte rédigé comme un mémo en vue d’une allocution, et véritable poétique dont le titre est un programme à lui seul : First, there is the need.

 

On peut lire en français de Reznikoff : Le Musicien, roman dont la fiction est basée sur son expérience hollywoodienne (traduction Emmanuel Hocquard et Claude Richard - POL 1986) - Holocauste, poèmes écrits selon les mêmes principes formels que Testimony et basés sur les procès de Nüremberg (traduction Auxeméry - Prétexte Éditeur, 2007)

Des poèmes épars notamment dans la revue If (dont le n°16 lui est intégralement consacré) et dans la revue Nioques.